Un jeune auteur littéraire qui raconte
Evariste Galois, c'est sans aucun doute intéressant, me suis-je
dit en achetant il y a quelques jours Evariste, de François-Henri Désérable
(Gallimard, 2015, 172 p., 16,90€). J'avais, hélas, tort. J'ai appris qu'il avait reçu le prix des lecteurs L'Express/BFMTV en 2015 : cela me confirme dans le fait de ne pas lire cet hebdomadaire et de ne pas regarder cette chaîne de télévision.
J'ai acheté ce livre pour découvrir comment un jeune auteur actuel allait réinventer un récit autour de l'histoire archi connue de Galois. Mais il ne réinvente rien. Il se contente de raconter le jeune héros romantique, génie foudroyé à 20 ans, de la façon la plus classique qui soit.
Son seul procédé littéraire est de s'adresser à une "jeune fille", dans le souci semble-t-il de la séduire. Effectivement, quoi de plus moderne que de tenter de séduire une jeune fille en lui narrant l'histoire d'un héros romantique? J'en fréquente quelques unes assez assidument, et bien qu'elles ne me racontent évidement pas tout, je n'ai pas le sentiment qu'elles donneraient dans un tel panneau.
Ah, si! Comme il est moderne, l'auteur parle crûment de sexe : de la conception d'Evariste à ses fantasmes vis-à-vis de celle qui, pense-t-on, motiva le duel qui lui coûta la vie, en passant par ses plaisirs solitaires dans le dortoir du lycée Louis-le-Grand. Et comme il est moderne (et qu'il a lu Céline, sans doute) il décrit aussi crûment la misère et le peuple, sans aucune compassion. Pour procurer à la "jeune fille", elle aussi moderne, un frisson de dégoût, qu'elle pourrait confondre avec un frisson de plaisir? Quitte à se moquer des pauvres, je préfère encore Les rois de la Suède.
En outre, ce bref récit n'apporte rien
à la connaissance de Galois. Ses mathématiques n'intéressent pas l'auteur. Il revendique même n'y rien comprendre.
Je doute donc, hélas, que des lecteurs de
ce « roman » (en est-ce vraiment un?) en tirent un
intérêt quelconque pour les mathématiques. C'est pourtant là
qu'est le nœud de l'affaire : Galois eut-il été commerçant ou
cordonnier, on n'en parlerait plus aujourd'hui. Tenter de comprendre
en quoi tenait son « génie » (et aussi la filiation de
ses travaux avec d'autres, qui l'avaient précédé), c'est la moindre
des choses si l'on veut lui rendre hommage, aussi maladroitement
qu'on le fasse. Pour faire un jeu de mot comme semble les affectionner François-Henri
Désérable, ce livre n'est en rien désirable. D'exécrable, plutôt.
Je suggère, pour à peu près le même prix, de trouver d'occasion "Le roman d'Evariste Galois", de Leopold Infeld (La Farandole, 1978). Il n'en donne pas tellement plus sur les mathématiques, mais est sans aucun doutes plus agréable à lire (d'accord, c'est un souvenir d'adolescent). Si l'on veut entrer un peu dans le dur de la science, il y a Galois, de Norbert Verdier (Pour la Science, 2011). Enfin, Images des mathématiques a regroupé sur la même page une série d'articles "Autour de Galois", historiques pour certains, plus mathématiques pour d'autres.
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