mercredi 1 juillet 2015

Du blog au livre

Puisque vous lisez ceci, c'est que vous appréciez le genre "blog". Dans quelle mesure les articles (pardon, les posts) publiés au fil de l'eau peuvent-ils être rassemblés pour former un livre? Ou, plutôt, une collection de posts peut-elle former un livre avec un propos?

C'est la question que je me suis posée en lisant "Le coup de la girafe", de Léo Grasset, que Le Seuil  a publié au printemps dernier dans la collection Science Ouverte. L'origine "blog" de l'ouvrage est en effet clairement revendiquée dès le Préambule. Et l'auteur de préciser que l'audience à laquelle ces textes étaient destinés lui semblait plutôt réduite.

Premier point : ce livre se lit facilement. Léo Grasset a un certain talent pour raconter des histoires. On ne s'ennuie pas. Le très grand public devrait y trouver en grande partie son compte.

Mais je ne suis pas certain que cette collection hétéroclite d'histoires et d'essais, dont le seul point commun est qu'ils traitent d'histoire naturelle, constitue un livre. Il y a certes une tentative de classement des articles, devenus des chapitres, en quatre parties (L'évolution dans tous ses états, Comportements animaux, Drôles de bêtes, Les hommes et les savanes), mais on n'y distingue ni progression, ni démonstration d'ensemble. Le mystère reste entier quant à ce que veut nous dire l'auteur (à part peut-être "lanature est merveilleuse"?)

C'est d'ailleurs l'un des défauts récurrents de nombreux blogs tenus par des scientifiques et amateurs de vulgarisation : leurs auteurs pensent qu'il suffit de raconter des histoires qui les intéressent pour que celles-ci retiennent l'attention des lecteurs. Certes, ils s'appuient parfois sur l'actualité (à propos de la communication chez les éléphants ici, par exemple), mais ils peuvent tout aussi bien reprendre des connaissances établies plus anciennement, voire déjà exposées ailleurs (l'auto-organisation des bancs de poissons, par exemple).

J'ai apprécié, il faut le reconnaître, l'enthousiasme de Léo Grasset pour le ratel. Mais pourquoi nous en parle-t-il? On se demande quelle est sa place, coincé entre les bousiers, les éléphants et les lions.

Le sous titre du livre "Des savants dans la savane" (ah! ah!) donnait pourtant une piste. D'autant que l'auteur nous dit avoir écrit ces textes pendant un séjour de terrain au Zimbabwe. On se serait attendu à ce qu'il ancre ses réflexions sur son propre travail. Mais ce qu'il a fait, justement, sur le terrain, il n'en dit rien, à part quelques allusions peu explicites. Quand aux chercheurs dont il mentionne les travaux, il ne nous permet pas non plus de les rencontrer. C'est dommage.

Je me suis aussi demandé pourquoi l'éditeur avait placé un cahier photo au centre de ce livre. Entassées par manque de place, souvent sans autre but que de nous montrer à peu près les animaux dont l'auteur parle ailleurs dans le livre, et avec des légendes à rallonge difficile à lire, elles n'enrichissent pas réellement le texte principal (illustré par ailleurs de quelques schémas).
Quant aux nombreuses références en fin d'ouvrage, elles témoignent au mieux d'une absence de réflexion sur le public visé, au pire de cuistrerie. Les publications indiquées sont inaccessibles (physiquement ou intellectuellement) à la plupart des lecteurs qui apprécieront réellement le livre. Quant aux naturalistes qui liraient ce qu'a écrit leur jeune collègue, elles leur seront tout à fait superflues.

Les amateurs d'histoires naturelles prendront plaisir à cette lecture. Cet auteur a indubitablement du potentiel s'il persiste dans la vulgarisation. On ne peut que souhaiter qu'il rencontrera des éditeurs qui le guideront pour le développer.




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