vendredi 24 juillet 2015

A Paris, sur la piste des grands singes

Je suis enfin allé à la Grande Galerie du Muséum national d'histoire naturelle pour visiter l'exposition Sur la piste des grands singes, présentée depuis le 11 février. J'avais encore le temps : elle ne devrait pas fermer avant le 21 mars prochain. Et j'ai une excuse : la dernière fois que j'ai voulu y aller, c'était un mardi, et c'est jour de fermeture du Muséum (pensez-y).

Bien sûr, vous direz que ce blog est consacré aux livres (et un peu à des films), et qu'une critique d'exposition n'a rien à y faire. Vous aurez raison. Mais si on ne peut plus faire des exceptions, à quoi bon tenir un blog? Et puis quelqu'un à qui je ne peux pas refuser grand chose m'a demandé mon avis sur cette exposition, alors autant en faire profiter le plus grand nombre (je ne me fais pas d'illusions non plus sur la taille de mon lectorat).

Evidemment, j'ai aussi pensé poster cette note sur mon blog consacré aux hommes du passé. En tirant fortement le gorille, le chimpanzé et l'orang-outang par les poils, j'aurais pu argumenter sur la présence dans cette exposition de quelques fossiles de primates anciens, et même des premiers hominidés. Mais décidément, celle-ci est bien consacrée aux grands singes actuels (les trois catégories que je viens de citer), et leur passé n'est là que pour éclairer leurs relations évolutives.

Ces questions d'évolution, notamment les relations biologiques qui nous lient à ces plus proches parents, sont assez rapidement réglées au début de l'exposition. C'est à peine si notre statut de grand singe africain est évoqué, et il n'est pas question de la plus grande proximité avec, dans l'ordre, les chimpanzés, les gorilles, et seulement ensuite les orangs-outans.

Car ce n'est pas ce qui intéresse les concepteurs de cette exposition. D'ailleurs, les présentations mêlent allègrement les trois espèces (en fait, les cinq, puisqu'on distingue deux espèces de chimpanzés et deux espèces d'orang-outans). Il s'agit plus d'insister sur leurs ressemblances que sur leurs différences. Ainsi, ces animaux vivent globalement dans "la forêt tropicale", sans que soient détaillées les différences entre celle du Gabon et celle de Bornéo par exemple.

En marchant notamment dans un espace censé figurer cette forêt tropicale (rassurez-vous, cela reste très passant), on découvre tour à tour la locomotion, la vie sociale, l'alimentation (non, les chimpanzés ne mangent ni bananes ni arachides dans leur milieu naturel), les comportement sexuels (préparez-vous aux questions si vous amenez des enfants encore naïfs), les habitats (ces singes construisent des nids), la culture, et plein d'autres choses à propos de ces espèces. La muséographie est bien pensée, avec une association de films tournant en boucle, d'autres accessibles avec un casque, mais aussi d'animations informatiques interactives. Même si on peut regretter que, comme d'habitude, certaines explications écrites soient illisibles, il y en a assez peu pour que le visiteur, même acharné à tout voir, ne soit pas trop frustré.

L'exposition se termine sur les menaces que subissent ces grands singes, surtout liées à l'action de l'homme. Je n'ai aucun doute sur les intentions des concepteurs : ils souhaitent sensibiliser sur l'importance de préserver les habitats, et les animaux eux-mêmes. Mais l'ampleur des menaces que constitue notre société moderne, figurées par un immense panneau où toutes sortes d'objets "nocifs" sont accumulés, est assez décourageante. D'autant que de petits films très bien réalisés en stop-motion viennent appuyer la démonstration. Aucune catégorie de produits n'est épargnée.

Face à cela, les solutions proposées, qui se limitent à un appel à une consommation responsable (faire durer les produits, recycler, ne pas gaspiller...) semblent bien faibles. Est-ce parce que l'exposition s'adresserait prioritairement à un jeune public? Heureusement, les tous derniers espaces d'exposition sont consacrés à des actions de terrain, d'ONG principalement. Mais aucune proposition n'est faite pour les soutenir. Et l'on sait bien que l'appui au développement durable des pays où vivent encore des grands singes passe par des actions politiques. Le Muséum aurait pu assumer sa vision écologique jusqu'au bout.

Souhaitons quand même que, parmi les nombreux enfants et adolescents qui visiteront cette exposition (enseignants, vous avez encore le temps d'organiser cela pour vos classes en 2015-2016!), certains en ressortiront assez inspirés pour se mettre à l'action à différents niveaux. J'avoue qu'entendre une fillette d'une dizaine d'années dire à sa mère, devant un dispositif de l'exposition : "c'est intéressant comme métier, paléontologue", m'a particulièrement réjoui.




jeudi 23 juillet 2015

La valeur de l'effort


Vous êtes-vous déjà laissés embarquer, par des amis bien intentionnés, dans une marche en montagne, ou dans une ballade à vélo dans une région un peu accidentée, alors que vous étiez peu entraînés? Alors vous connaissez sans doute les sentiments que procure la lecture de Amour et maths d'Edward Frenkel, publié il y a quelques mois par les éditions Flammarion. On vous a promis que le paysage serait splendide, vous éprouvez de nombreuses difficultés sur le parcours, au point d'être parfois tentés d'abandonner, mais vous êtes finalement bien contents d'être allé au bout. Et si vous ne savez plus raconter précisément ce que vous avez vu, vous affirmez sans hésiter que cette expérience en valait la peine. Au point que vous en parlez encore des années après.

Edward Frenkel est mathématicien. Il enseigne aujourd'hui à l'université de Berkeley, aux Etats-Unis. Mais il a été élevé à Kolomna, à une centaine de kilomètres de Moscou, en URSS. En URSS, puisque c'est ainsi que se nommait le pays qu'il a quitté en 1989, à seulement 21 ans.

En suivant son autobiographie scientifique, on passe des groupes de symétries à la théorie des groupes, puis au "programme de Langlands", qui vise à relier la "théorie des nombres", les "courbes sur les corps finis", les "surfaces de Riemann" et, même, la physique quantique. Je m'abstiendrai ici d'expliquer de quoi il s'agit. Edward Frenkel le fait largement dans les 365 pages de son ouvrage. Il propose aussi de nombreuses notes et références pour les lecteurs opiniâtres et vraiment désireux de comprendre ces mathématiques difficiles.

Car là n'est pas l'essentiel de ce livre. Ce que vise avant tout Edward Frenkel, c'est de nous communiquer "ce que c'est que de faire des mathématiques". Sa méthode : intriquer les résultats scientifiques qu'il expose avec les épisodes de sa vie auxquels ils sont associés. Pas de déballage personnel toutefois : il se limite strictement à ce qui concerne ses études et son travail universitaire (au point que, s'il n'évoquait sa famille et, furtivement, une petite amie, on se demanderait presque s'il a des relations et des sentiments en dehors des mathématiques).

D'Evgeny Evgenievich Petrov, professeur de mathématiques à Kolomna, qui lui fit comprendre que les mathématiques pouvaient être aussi passionnantes que la physique des particules, à Edward Witten, avec lequel il travailla justement à rapprocher la physique fondamentale du programme de Langlands, on le suit ainsi dans une succession de rencontres. Peut être, finalement, est-ce la façon d'Edward Frenkel d'entrer en relation : parler et faire des mathématiques avec d'autres personnes? L'épilogue du livre, où il narre en détails pourquoi et comment il a produit un court-métrage intitulé "Rites d'amour et de maths" semble le confirmer. Non autobiographique, certifie-t-il, cette histoire d'un mathématicien qui tatoue sur la peau de sa maîtresse une "formule de l'amour" (une "belle" formule, en fait), a pour but de faire ressentir aux spectateurs les liens qu'il éprouve entre les mathématiques et la vie de façon générale.

Pour ce qui me concerne, j'en reste admiratif. Comme je peux admirer les exploits d'alpinistes, de navigateurs solitaires ou de plongeurs apnéistes. Et cela m'incite à aller au bout de mes propres passions, même s'il s'agit seulement de marche en montagne ou de promenade à vélo. Ce n'est déjà pas si mal.






jeudi 9 juillet 2015

Türing : un test pour les cinéastes


Je suis allé voir Ex machina, premier film en tant que réalisateur d'Alex Garland, qui a par ailleurs derrière lui de solides états de service comme scénariste. Je ne me suis pas ennuyé, mais je suis déçu par le traitement du sujet. Plus que le film sur les interactions entre les hommes et les intelligences artificielles qu'il prétend être, c'est un film somme toute assez classique de manipulation, où l'on ne sait d'ailleurs plus, à la fin, qui manipule qui. 

Attention, à partir d'ici, je risque de dévoiler quelques ressorts importants de l'intrigue.

Je fais le pitch quand même : Caleb, jeune programmeur pour un très gros moteur de recherches sur Internet, est invité à passer une semaine dans la maison très isolée de Nathan, son patron richissime. Là, il apprend qu'il doit tester la conscience d'Ava, androïde dotée d'intelligence artificielle, invention de Nathan (décidément aussi doué en mécanique qu'en informatique), et qui a les traits d'une jolie jeune femme.

Peut-être ce film donnera-t-il à certains l'envie d'en savoir plus sur le test de Türing (le jeu de l'imitation), sur l'histoire de Marie (qui sait tout sur les couleurs mais vit dans un monde en noir en blanc, et ne peut donc éprouver dans sa conscience la "rougitude" du rouge), et plus généralement sur les recherches en intelligence artificielle. Pour ce qui concerne Türing, on comprend bien les limites du test : celui-ci a été proposé en termes si généraux que personne ne sait vraiment comment le construire réellement. Comme la "machine de Türing", censée être le prototype de l'ordinateur, mais qui est restée à un état purement théorique.

La problématique du personnage de Caleb, qui doit imaginer des questions pour évaluer le degré de conscience d'Ava, est assez bien posée pour qu'on s'y intéresse. Et le film ne donne aucune réponse : l'IA "sort du cadre" à la fin, comme l'avait justement suggéré Caleb, mais on n'en sait pas plus sur ses pensées, si pensées il y a. Tout au plus peut-on comprendre qu'elle n'est pas très douée d'empathie, abandonnant le pauvre Caleb à un sort peu enviable.

Le réalisateur brouille toutefois l'intrigue, en la transformant en banale intrigue de manipulation : l'IA prisonnière tente de s'allier avec Caleb pour se libérer de l'emprise de Nathan. Mais ce dernier, qui a tout prévu, déjoue le plan. Mais Caleb, moins naïf qu'il n'en a l'air, a joué un coup d'avance...

On s'y perd un peu, jusque dans les objectifs du prétendu test : pourquoi Nathan a-t-il donné à Ava une apparence adaptée aux goûts féminins de Caleb? S'agit-il seulement d'un test "consommateur" destiné à vérifier qu'il peut commercialiser ses IA comme compagnes domestiques (et soumises, y compris sexuellement, telle la domestique Kyoko)? Le fait que toutes ces IA soient fondées sur Bluebook, un Google qui aurait pris l'hégémonie sur les recherches Internet (ce que Google, malgré les fantasmes, est loin d'avoir fait) brouille encore plus les pistes.

Au final, ce film n'apporte pas grand chose à la fiction sur les IA. En sortant de la salle, je me suis même amusé à faire le jeu des sept ressemblances avec Blade Runner (1982, quand même). Et j'en ai trouvé neuf (il y en a peut-être d'autres, il faudrait que je revoie le film de Ridley Scott) :

- le personnage central fait passer des tests à des IA, pour déterminer leur vraie nature ;
- à un moment, on doute, avec lui, de sa propre humanité (la possibilité que Deckard soit lui même un replicant est plus subtilement suggérée dans Blade Runner) ;
- il tombe amoureux d'une IA, bien qu'il sache que c'en est une ;
- celle-ci ressemble d'ailleurs à son idéal féminin (à son ex-maîtresse dans Blade Runner) ;
- il tente de la sauver de son créateur qui en a programmé la destruction ;
- créateur qui vit seul et reclus (en haut d'un immeuble dans Blade Runner, au fin fond d'une forêt montagneuse ici : les montagnes remplacent les buildings) ;
- créateur qu'elle déteste ;
- et qu'elle finira par tuer ;
- et même, on mange de la nourriture asiatique, avec des baguettes!

Que je préfère Harrison Ford à Domhnall Gleeson n'est sans doute qu'une question de génération (et on souhaite une meilleure carrière à Alicia Vikander qu'à Sean Young).




samedi 4 juillet 2015

Hommage aux frères Bogdanov

Etrangement, les amateurs de science cliquent volontiers sur tous les liens renvoyant vers des articles traitant des frères Bogdanov. Pour vous permettre de satisfaire ce penchant malsain, j'ai rassemblé ici les liens vers les pages de La Recherche contenant les critiques que j'ai consacrées à leurs livres. La rubrique s'appelait "Touche pas à ma science".

Au commencement du temps (2009)

Le visage de Dieu (2010)

Le visage de Dieu - édition augmentée (2011)

Le dernier jour des dinosaures (2011)

La pensée de Dieu (2012)

Le mystère du satellite Planck (2013)

Bien entendu, je ne suis pas le seul à avoir émis des critiques très négatives sur les ouvrages imprimés de ces deux individus. Mais je prétends faire partie du club très fermé de ceux qui ont lu intégralement tous ces ouvrages (je n'arrive pas à croire, d'ailleurs, qu'eux mêmes en fassent partie). Les autres membres peuvent se signaler dans les commentaires, et poster des liens vers leurs propres critiques s'ils en ont publié.

Il y a un dernier point pour lequel il faut remercier les Bogdanov. Ils donnent un argument massue au critique de livres de science qui se verrait opposer des arguments du type : "comment pouvez-vous émettre des remarques négatives sur ce livre qui s'est si bien vendu?" ou encore "mais les lecteurs ont bien aimé ce que justement vous reprochez à l'ouvrage". Les livres mentionnés ci-dessus, et tous les autres signés des mêmes auteurs que je n'ai pas lus (je ne suis pas masochiste non plus) se sont tous très bien vendus. Et beaucoup de lecteurs ont aimé ça. Comme quoi!

vendredi 3 juillet 2015

Vulgarisation et BD

J'avais entendu parler de "L'Art préhistorique en bande dessinée" (notamment par l'auteur, Eric Le Brun, dont je suis "ami" sur FB). Deux tomes ont été publiés en 2012 et en 2013 par Glénat. Mais je n'avais pas lu. Le coût très modique de ces deux petits albums (5€ et 7,5€) m'a incité à les acheter dans la boutique de Lascaux 2. J'ai été surpris, je ne m'attendais pas à ce que j'ai vu/lu (les deux dimensions sont importantes dans la BD).

D'abord, il faut saluer le travail documentaire de l'auteur. Une bonne partie de ses dessins reproduisent de façon très évocatrice des oeuvres du Paléolithique supérieur. Art rupestre ou mobilier, il navigue habilement entre la fidélité aux originaux et l'unité de son propre style. Le choix du dessin au trait noir, seulement rehaussé par endroit par du rouge, dans le premier volume est à cet égard très heureux. Il y a un peu plus de couleur dans le second volume, mais elle reste assez discrète.

Le premier volume est consacré exclusivement à l'Aurignacien. Le second nous laisse à l'orée du Magdalénien (ce qui laisse penser que l'auteur a au moins une troisième époque en préparation). Et le moins que l'on puisse dire, c'est que rien n'est oublié. L'auteur ne se contente pas de nous présenter les principaux sites : il consacre aussi des cases, ne serait-ce qu'une, à des grottes moins connues. Il aborde aussi, brièvement, quelques pratiques culturelles qui ont laissé des traces archéologiques, telles que les sépultures ou les tentatives de tissage, ainsi que la musique.

Habilement aussi, l'auteur se contente de montrer les vestiges archéologiques. Il ne prend pas parti dans les querelles entre spécialistes quant aux motivations sous-jacentes à cet "art" préhistorique (cela dit, en le qualifiant d'art, il prend parti, c'est inévitable). Il ne fait pas non plus de concessions à la fiction, comme le terme de "bande dessinée" pouvait le laisser penser, esquissant à peine quelques mises en scène. Cela lui évite, là aussi, les controverses inutiles sur le réalisme de ses restitutions

J'ai été un peu dérouté par l'aspect "catalogue" de la fin du second volume. A force de tout montrer, l'auteur nous perd un peu dans la multiplication des sites. Mais c'est assumé : la partie entièrement documentaire qui clôt chacun des ouvrages, avec cartes, listes de sites et lexique en souligne l'aspect pédagogique. Nul doute que les plus jeunes y trouverons du grain à moudre. Je n'hésiterais en tous cas pas à offrir ces livres à des enfants dès la manifestation chez eux d'un signe d'intérêt pour la préhistoire : on ne sait jamais ce qui peut entretenir une passion, et il y a là tout à fait matière.

Pour conclure, un petit regret quand même : ces deux livres ne sont consacrés qu'à l'art préhistorique en Europe à partir de l'arrivée de l'homme moderne. Ils ignorent donc ce qui s'est passé dans les autres parties du monde, et dans les périodes plus anciennes. C'est particulièrement frappant dès le début du premier volume, quand l'auteur aborde, avec raison, la question des parures : dents et coquillages percés. N'oublions pas que de tels objets ont été fabriqués il y a au moins 75 000 ans en Afrique, à une date aussi éloigné des Aurignaciens que ceux-ci le sont de nous-mêmes. Il y aurait donc certainement un autre volume (intitulé "Epoque zéro"?) à dessiner.


mercredi 1 juillet 2015

Du blog au livre

Puisque vous lisez ceci, c'est que vous appréciez le genre "blog". Dans quelle mesure les articles (pardon, les posts) publiés au fil de l'eau peuvent-ils être rassemblés pour former un livre? Ou, plutôt, une collection de posts peut-elle former un livre avec un propos?

C'est la question que je me suis posée en lisant "Le coup de la girafe", de Léo Grasset, que Le Seuil  a publié au printemps dernier dans la collection Science Ouverte. L'origine "blog" de l'ouvrage est en effet clairement revendiquée dès le Préambule. Et l'auteur de préciser que l'audience à laquelle ces textes étaient destinés lui semblait plutôt réduite.

Premier point : ce livre se lit facilement. Léo Grasset a un certain talent pour raconter des histoires. On ne s'ennuie pas. Le très grand public devrait y trouver en grande partie son compte.

Mais je ne suis pas certain que cette collection hétéroclite d'histoires et d'essais, dont le seul point commun est qu'ils traitent d'histoire naturelle, constitue un livre. Il y a certes une tentative de classement des articles, devenus des chapitres, en quatre parties (L'évolution dans tous ses états, Comportements animaux, Drôles de bêtes, Les hommes et les savanes), mais on n'y distingue ni progression, ni démonstration d'ensemble. Le mystère reste entier quant à ce que veut nous dire l'auteur (à part peut-être "lanature est merveilleuse"?)

C'est d'ailleurs l'un des défauts récurrents de nombreux blogs tenus par des scientifiques et amateurs de vulgarisation : leurs auteurs pensent qu'il suffit de raconter des histoires qui les intéressent pour que celles-ci retiennent l'attention des lecteurs. Certes, ils s'appuient parfois sur l'actualité (à propos de la communication chez les éléphants ici, par exemple), mais ils peuvent tout aussi bien reprendre des connaissances établies plus anciennement, voire déjà exposées ailleurs (l'auto-organisation des bancs de poissons, par exemple).

J'ai apprécié, il faut le reconnaître, l'enthousiasme de Léo Grasset pour le ratel. Mais pourquoi nous en parle-t-il? On se demande quelle est sa place, coincé entre les bousiers, les éléphants et les lions.

Le sous titre du livre "Des savants dans la savane" (ah! ah!) donnait pourtant une piste. D'autant que l'auteur nous dit avoir écrit ces textes pendant un séjour de terrain au Zimbabwe. On se serait attendu à ce qu'il ancre ses réflexions sur son propre travail. Mais ce qu'il a fait, justement, sur le terrain, il n'en dit rien, à part quelques allusions peu explicites. Quand aux chercheurs dont il mentionne les travaux, il ne nous permet pas non plus de les rencontrer. C'est dommage.

Je me suis aussi demandé pourquoi l'éditeur avait placé un cahier photo au centre de ce livre. Entassées par manque de place, souvent sans autre but que de nous montrer à peu près les animaux dont l'auteur parle ailleurs dans le livre, et avec des légendes à rallonge difficile à lire, elles n'enrichissent pas réellement le texte principal (illustré par ailleurs de quelques schémas).
Quant aux nombreuses références en fin d'ouvrage, elles témoignent au mieux d'une absence de réflexion sur le public visé, au pire de cuistrerie. Les publications indiquées sont inaccessibles (physiquement ou intellectuellement) à la plupart des lecteurs qui apprécieront réellement le livre. Quant aux naturalistes qui liraient ce qu'a écrit leur jeune collègue, elles leur seront tout à fait superflues.

Les amateurs d'histoires naturelles prendront plaisir à cette lecture. Cet auteur a indubitablement du potentiel s'il persiste dans la vulgarisation. On ne peut que souhaiter qu'il rencontrera des éditeurs qui le guideront pour le développer.