Plusieurs semaines se sont écoulées
depuis mon dernier billet sur ce blog. Je les ai consacrées à lire.
En particulier, à lire un gros livre, 543 pages sans les notes.
Dense. Et je ne chronique ici des livres qu'après les avoir lus.
Je viens donc de terminer Charles
Darwin – Voyaging, par Janet Browne (Princeton University
Press, 1996, 31,95$). Ce n'est pas un ouvrage récent. Sa première
édition a juste 20 ans. Mais c'est une référence en matière de
biographie du grand homme.
L'auteur connaît son sujet. Historienne de la biologie à Londres, elle a
participé à l'édition de la correspondance de Darwin. Elle est
aujourd'hui professeur à l'université Harvard, aux Etats-Unis. Et
l'on sent, à la lire, qu'elle a tout lu des écrits de Darwin :
articles scientifiques, notes, correspondances publique et privée. Et
même, dans de nombreux cas, lettres qu'il a reçues, lettres
échangées par ses proches ou par ses « collègues »
savants contemporains, textes de ces derniers à propos des sujets
qui intéressaient Darwin.
C'est donc une biographie en profondeur
qu'elle a écrite. On suit pas à pas Charles Darwin, de sa naissance
au début de 1856 dans ce volume (le second, intitulé The
Power of Place, traite de la deuxième partie de sa vie, de la
publication de sa théorie sur l'évolution des espèces par
sélection naturelle jusqu'à sa mort. Je n'en parlerai pas ici :
je l'ai lu il y a plusieurs années, alors que je préparais un
numéro des Dossiers de La Recherche produit à l'occasion du
150ème anniversaire de cette publication, et du bicentenaire de la
naissance de Darwin). Mais on fait aussi connaissance en profondeur
avec tous ceux qu'il a rencontré et qui l'ont influencé : les
divers membres de sa famille, ses professeurs, ses compagnons de
voyage à bord du Beagle, les autres savants de son entourage.
J'avais lu déjà des ouvrages sur
l'idée d'évolution avant Darwin. Je n'étais pas totalement ignare
non plus à propos de sa théorie de l'évolution, ni à propos de
son parcours. Mais la précision et l'exhaustivité de ce livre sont
irremplaçables pour connaître et comprendre Darwin.
Je ne vais pas ici raconter son
cheminement scientifique : Janet Browne (et bien d'autres) l'a
fait bien mieux que je ne saurais le résumer. Quelques points que
j'ignorais toutefois. Darwin a d'abord été reconnu comme géologue,
tenant de la théorie proposée par Charles Lyell selon laquelle la
surface de la Terre n'était pas immuable, mais au contraire se
transformait, par élévation ou enfoncement par rapport à la mer.
Il est devenu biologiste, notamment en menant une
étude très complète sur les Cirripèdes, groupe de crustacés,
car il voulait étayer sa théorie par des faits. Ce qu'il a
découvert chez les Cirripèdes l'a conforté, et a aussi fait
évoluer sa pensée : un remarquable exemple de science en
action.
L'autre aspect pour lequel ce livre est
remarquable est qu'il nous fait connaître aussi l'homme Darwin.
Janet Browne est en empathie avec son sujet. Et elle nous fait
partager cet état. On suit d'abord amusé le jeune homme de bonne
famille dans son adolescence, où il préférait aller à la chasse
avec son oncle ou ses amis qu'étudier à Cambridge. Et on est
bouleversé par ce père de famille qui se livre à l'affection de et
pour ses enfants. Jusqu'au drame que constitua la mort de sa fille
Anne à l'âge de 10 ans.
Cette lecture est exigeante. Je vais
sans doute passer maintenant à un ouvrage plus court et moins
érudit. Mais on ne peut que la recommander à tous ceux qui
s'intéressent, à Darwin, à la biologie, ou plus généralement à
l'histoire des sciences. Il n'a hélas pas été traduit en français.
C'est compréhensible : le risque éditorial aurait sans doute
été trop grand. Mais c'est dommage.