dimanche 14 juin 2015

Altamira

A l'exception du guide de visite du musée que j'ai acheté sur place, il ne semble pas qu'il y ait aujourd'hui de livre en français disponible consacré à la grotte d'Altamira. S'agissant de la première grotte ornée du Paléolithique annoncée comme telle, dès 1879, c'est étonnant. Il faut croire que l'intérêt du public pour ces sites, en dehors des activités touristiques, n'est peut-être pas aussi important qu'on veut bien le dire (si j'en crois une rapide recherche sur Amazon.es, il n'y en a pas beaucoup non plus en espagnol!).

J'avais heureusement conservé dans ma bibliothèque le livre de Leslie Freeman et Joaquin Gonzalez Echegaray publié en 2001 par l'éphémère Maison des Roches, et intitulé sobrement "La grotte d'Altamira". On le trouve encore, neuf ou d'occasion, chez des libraires en lignes, et sans doute chez des libraires spécialisés. Avec ses 154 pages et ses nombreuses reproductions en couleur, et malgré son format restreint (19,5 par 22,5 cm), il donne une bonne approche de ce chef d'oeuvre de l'humanité

Quelques chapitres introductifs permettent une mise en contexte, avec la présentation du cadre naturel et culturel dans lequel les peintures ont été produites il y a au moins 14 000 ans, et avec le récit de la découverte et de la controverse qui s'en est suivi (en attendant que celle-ci soit racontée dans un film). Mais le coeur de l'ouvrage tient dans la description des oeuvres dans toute la grotte (et pas seulement celles du célébre plafond qualifié à l'époque de "Chapelle sixtine de la préhistoire") et dans une proposition d'interprétation.

Il est toujours difficile pour le profane que je suis de se faire une opinion sur le discours scientifique en matière d'art rupestre. Les animaux sont-ils bien identifiés? Leurs positions bien reconnues? Les comparaisons éthologiques bien établies? Ces réserves posées, la présentation des deux auteurs m'a semblé convaincante.

Selon eux, le grand plafond est essentiellement la représentation d'un troupeau de bisons en période de rut. La présence à proximité d'autres animaux (biche, cheval) n'a rien d'étonnant : ces espèces cohabitent naturellement, et pouvaient donc être observées à proximité les unes des autres. Evidemment, il est bien difficile de comprendre pourquoi des hommes sont venus peindre un plafond dans une salle où ils ne pouvaient pas se tenir debout, et encore moins contempler l'ensemble de la composition d'un seul regard, comme les aménagements pratiqués au début du XXe siècle permettent maintenant de le faire (on retrouve la même situation par exemple dans un secteur de la grotte de Rouffignac, en Dordogne).

Les auteurs penchent pour des rites d'initiation. Ils argumentent ce point surtout pour les peintures et les dessins réalisés dans des galeries très étroites, plus loin dans la grotte. Certaines figures sont visibles en entrant, d'autres en sortant, le tout en rampant. Et, poliment mais fermement, ils réfutent les hypothèses "chamaniques", très publicisées à l'époque de la publication du livre, et encore très présentes aujourd'hui dans les commentaires des guides qui font visiter les grottes ornées préhistoriques.

La dernière partie consacrée aux vestiges archéologiques aurait pu être plus courte. Pourquoi décrire par le menu les outils et la faune trouvés sur place, si c'est pour conclure que les fouilles ont été mal conduites au début du XXe siècle, qu'il n'a pas été possible de conduire convenablement de nouvelles fouilles depuis, et qu'on ne sait donc pas grand chose sur les relations entre le site d'habitat présent sous le porche d'entrée et les peintures situées plus profondément dans la grotte? Ah, si, quand même, on apprend que les animaux représentés n'étaient pas très différents des animaux chassés, au contraire d'une conclusion d'André Leroi-Gourhan après son étude d'un certain nombre de grottes françaises. Un point, là encore, trop souvent répété sans vérification par de nombreux guides.




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