dimanche 5 avril 2015

1001 grammes

Faire un film dont l'intrigue tourne autour de l'archaïque définition du kilogramme, c'est l'idée originale qu'a eue le réalisateur norvégien Bent Hamer. Malheureusement, il est à craindre que la piètre qualité du résultat ne permettra pas de populariser la passionnante question de l'unité de masse.

Le kilogramme, unité internationale de masse, est unique. C'est la seule unité de mesure pour laquelle il existe encore un étalon : un cylindre de platine et d'iridium. Celui-ci est conservé au siège du Bureau international des poids et mesures, au Pavillon de Breteuil, dans le Parc de Saint-Cloud. Il soigneusement entreposé, sous trois cloches de verre, dans un coffre fort, à l'abri des rayons cosmiques, dont l'absorption pourrait, au fil du temps, augmenter un peu sa masse.

Il existe toutefois des copies. Des références sont conservées au même endroit et dans les mêmes conditions; elles sont utilisées pour étalonner les kilogrammes étalons des différents pays signataires de la convention internationale des poids et mesures. Malheureusement, malgré toutes les précautions, les masses de toutes ces copies varient légèrement les unes par rapport eux autres, et par rapport à l'étalon princeps.

Les spécialistes ont donc imaginé de remplacer cet étalon par "autre chose". Le mètre ou la seconde sont définis par rapport à des fréquences lumineuses particulières, et peuvent donc être mesurés n'importe où dans le monde, à condition de disposer du matériel adéquat. Quelle quantité pourrait-on mesurer pour obtenir un kilogramme?

L'une des pistes, suivie par le "projet Avogadro", est de fixer une fois pour toute la valeur de la constante d'Avogadro, l'unité de mole, définie comme le nombre exact d'atomes contenus dans 12 grammes de carbone 12. Le kilogramme serait alors défini par le douzième de la constante d'Avogradro, multiplié par 1 000. Les travaux portent sur la mesure la plus précise possible de cette constante dans le système actuel d'unités. Cela reviendrait à faire ce qui a été fait pour la vitesse de la lumière, dont la valeur a été fixée une fois pour toute, et permet d'étalonner le temps et la distance.

Une autre piste est une mesure de force électromagnétique (donc de courant électrique) nécessaire pour maintenir en l'air une certaine masse. De nombreux travaux sont en cours pour améliorer la cohérence des mesures électriques. Le kilogramme serait alors défini à partir de l'Ampère et du Volt.

On le voit, le sujet, bien qu'il ne concerne directement qu'un nombre réduit de physiciens, est excitant; C'est aussi une source de bonnes histoires scientifiques. Bent Hamer en évoque certains aspects dans son film, dont une partie de l'action est située au pavillon de Breteuil, pendant une conférence internationale portant, justement, sur la définition du kilogramme. Chaque délégué a aussi apporté le kilogramme étalon de son pays, afin de le faire vérifier. Cela donne lieu à quelques scènes processionnaires assez drôles.

On a toutefois du mal à s'intéresser vraiment à la relation entre la déléguée norvégienne, qui a remplacé au pied levé son père victime d'un accident cardiaque, et un jardinier-physicien, totalement improbable. La métaphore de la masse que transporte cette femme et du poids de sa vie est, excusez, un peu lourde. On tombe dans le gnan-gnan.

J'ai rêvé à ce que Bruno Podalydès aurait pu faire avec un tel scénario. Quitte à garder l'actrice norvégienne et à remplacer Laurent Stocker (bien qu'il ne démérite pas) par son confère du Français, Denis Podalydès. On y pense d'autant plus lorsque les héros enregistrent des sons dans la nature (souvenir de Dieu seul me voit?). Bref, un occasion manquée pour la physique, un visionnage évitable pour le cinéma.



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